Changer les règles fiscales internationales pourrait plus que doubler les recettes des pays en développement

Publié: 2nd mai 2014

Le plan d’action de l’OCDE sur la fiscalité ne doit pas exclure les pays les plus pauvres

Selon un nouveau rapport publié aujourd’hui par Oxfam, pour que les pays en développement puissent bénéficier équitablement des activités des entreprises étrangères sur leur territoire, il est nécessaire de remanier le plan d’action, élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à la demande du G20, visant à empêcher les entreprises de se soustraire à l’impôt.

Ce rapport intitulé Petits arrangements entre amis établit que les règles actuelles de la fiscalité internationale permettent aux multinationales de « faire disparaître » leurs bénéfices, notamment en les délocalisant dans d’autres pays afin de payer peu voire pas d’impôt. Oxfam souligne que les économies qui en souffrent le plus – les plus pauvres – sont exclues des négociations de l’OCDE visant à mettre fin au scandale.

Selon les chiffres fournis dans une étude à paraître du fiscaliste Alex Cobham et de l’économiste Petr Janský, si les multinationales étaient imposées dans les pays où elles exercent réellement leurs activités, les recettes fiscales provenant de l’impôt des sociétés pourraient plus que doubler dans nombre de pays en développement*.

Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International, interviendra au Forum de l’OCDE, à Paris lundi prochain (le 5 mai). Selon elle, « les entreprises manipulent les règles et exploitent les pays pauvres, ce qui alimente le cercle vicieux de l’inégalité. Or les pays en développement étant tenus à l’écart des négociations, toute révision des règles risque de ne servir que les intérêts des plus riches et des plus puissants. »

Les chiffres d’Alex Cobham et de Petr Janský, analysant le décalage entre, d’une part, l’activité et les bénéfices des multinationales américaines et, d’autre part, le développement qu’ils pourraient induire, révèlent qu’avec un régime d’imposition plus progressif des sociétés, les Philippines connaîtraient une augmentation de son assiette d’imposition des sociétés multinationales de 75 %, l’Équateur de 99 %, l’Afrique du Sud de 106 % et l’Inde de plus de 180 %. Au Honduras, l’assiette d’imposition irait même jusqu’à quadrupler.

Il est impossible de calculer le potentiel d’augmentation des recettes fiscales pour des pays plus pauvres, ce qui montre l’indigence des données et l’opacité du secret fiscal. Mais ces pays bénéficieraient vraisemblablement eux aussi d’augmentations considérables.

Les États sont mis en concurrence les uns avec les autres pour attirer les investissements étrangers, ce qui pousse nombre d’entre eux à proposer des offres alléchantes aux entreprises, telles que des exemptions ou des réductions du taux d’imposition. C’est ainsi que les pays peuvent accuser des manques à gagner abyssaux, alors qu’ils ont tant besoin de ces fonds pour améliorer les services de base, tels que la santé et l’éducation. Dans les pays en développement, le « manque à gagner fiscal » (montant de l’impôt dû par les entreprises, mais non perçu) est estimé à environ 104 milliards de dollars par an.

Oxfam soutient que les négociations sur la réforme des règles fiscales doivent absolument inclure tous les pays, y compris les plus pauvres. Tous les États devraient sérieusement envisager la création d’une autorité fiscale mondiale qui garantisse des systèmes fiscaux justes et équitables dans l’intérêt public de l’ensemble des pays.

« Correctement élaboré et appliqué, le plan d’action de l’OCDE offre une occasion unique de revoir de fond en comble les règles internationales d’imposition des sociétés au profit de l’ensemble des économies, affirme Winnie Byanyima. C’est une occasion trop rare et importante pour la manquer. »

Les entreprises manipulent les règles et exploitent les pays pauvres, ce qui alimente le cercle vicieux de l’inégalité.
Winnie Byanyima
Directrice générale d’Oxfam International

Notes aux rédactions

* Les chiffres utilisés par Oxfam sont les résultats préliminaires de l’étude suivante, à paraître : Cobham, A. et P. Janský, 2014, « Misalignment between US multinational activity and profits, and the potential development impact of formulary apportionment ». Alex Cobham est chargé de recherche au Centre pour le développement mondial. Petr Janský est maître de conférences en économie à l’université Charles de Prague.

Les résultats montrent l’incidence sur la répartition de l’assiette imposable des multinationales basées aux États-Unis si leurs bénéfices étaient répartis entre les pays dans lesquels elles exercent une activité, selon la formule de l’Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), proposée par l’Union européenne. Cette formule prend en compte trois facteurs pour un tiers chacun : le chiffre d’affaires, les immobilisations et la main-d’œuvre (masse salariale et nombre d’emplois à parts égales). Ces résultats sont préliminaires et doivent être considérés comme indicatifs, et non définitifs dans certains cas particuliers. On sait en outre qu’ils varient au fil du temps ; il est donc entendu qu’ils ne représentent que l’instantané d’une situation à un moment donné.


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