La faim fera des millions de victimes au Sahel si les financements promis ne sont pas versés

Publié: 23rd avril 2012

Selon des ONG internationales, si les financements promis pour la réponse humanitaire ne sont pas déboursés, des millions de personnes seront touchées par la faim dans les prochains mois.

Une coalition d'ONG souligne que le manque de financement des projets d'aide visant à prévenir l’aggravation de la crise alimentaire au Sahel pourrait laisser des millions de personnes souffrir de faim dans les prochains mois.

Action contre la faim (ACF), Oxfam, Save the Children et World Vision fournissent de l’aide d'urgence à près de 6 millions de personnes dans la région, mais affirment n’avoir pour le moment réussi à mobiliser qu’un tiers des besoins de financement pour poursuivre cet important travail dans les prochains mois. On estime les besoins financiers des quatre organisations à près de 250 millions de dollars américains, mais uniquement 52 millions de dollars ont été jusqu’ici récoltés.

Action contre la faim et Oxfam qui prévoient d’appuyer respectivement un million et 1,2 million de personnes, n’ont pu mobiliser qu’un tiers des besoins financiers nécessaires. Save The Children qui envisage d’assister 2,5 millions de personnes a seulement pu obtenir pour ses projets 15% des fonds nécessaires et enfin World Vision, qui voudrait aider 1,1 million de personnes, a seulement 20% des financements disponibles.

La vie de millions de personnes menacée

En tout, ce manque signifie que plus de 2 millions de personnes pourraient être privées d’une assistance essentielle à leur survie. Si la situation perdure, ces organisations pourraient être contraintes de réduire significativement leurs programmes d’aide.

Moins de la moitié des 724 millions requis par les Nations unies pour répondre au mieux à la crise alimentaire ont été mobilisés. Ce manque de financement criant risque de s’aggraver à mesure que les besoins augmentent sur le terrain.

Des taux de malnutrition en constante hausse

Les organisations humanitaires font face à des taux de malnutrition en constante augmentation dans de nombreuses zones de la bande sahélienne et appellent à une conférence des donateurs afin que ces derniers puissent s’engager généreusement en faveur de l’aide humanitaire au Sahel.

Pour Patricia Hoorelbeke, représentante régionale d’Action contre la faim en Afrique de l’Ouest : « Au Tchad, dans la région de Kanem, le taux de malnutrition sévère dépasse déjà le seuil d’urgence de 15%, et les admissions dans les centres nutritionnels ont augmenté dramatiquement. Le mois dernier uniquement, plus de 2 000 enfants en état de malnutrition sévère ont été admis en soin thérapeutique nutritionnel. Nous avons déployé du personnel supplémentaire pour renforcer la capacité opérationnelle de nos programmes, mais d’autres actions sont nécessaires pour stopper cette détérioration de la situation. »

En Mauritanie, Oxfam vise à atteindre 70 000 personnes ayant désespérément besoin de vivres et d’eau potable. Mais avec un budget déficitaire de 1,3 million de dollars, seulement la moitié de cette population pourra être touchée.

Les Nations unies doivent agir

Pour Steve Cockburn, responsable régional des politiques d'Oxfam : « Il n’y a aucun doute que les familles en Afrique de l'Ouest vont traverser une période dangereuse, et nous avons déjà rencontré des femmes contraintes de rechercher des graines de céréales dans les fourmilières pour survivre. Nous sommes prêts à apporter de l’aide à des millions de personnes, mais le temps est compté pour mettre en œuvre ces programmes avant que la crise n’atteigne son paroxysme : les financements sont donc urgemment nécessaires. Nous exhortons l'ONU à organiser une conférence des donateurs dès que possible afin que les 15 millions de personnes qui risquent d’être touchées par la famine dans le Sahel ne soient pas privées d'une assistance dont elles ont un besoin essentiel. »

Au Niger, Save the Children a seulement pu toucher une famille sur dix avec le programme de distribution d’argent qu’il envisageait. « Nous observons déjà que le nombre d'enfants souffrant de malnutrition est en hausse, si nous n’augmentons pas notre capacité opérationnelle dans les programmes, et sans cela la situation restera inchangé, a déclaré Stoner Jeremy, directeur de Save the Children Afrique de l'Ouest. Si nous agissons vite, nous pouvons sauver des milliers de vies. Nous savions qu’une crise alimentaire était imminente au Sahel depuis des mois, mais sans fonds, il y a peu de choses que nous pouvons faire pour l'arrêter. Pallier le manque de financement face à la détérioration de la situation en Afrique de l’ouest et centrale devrait être un important point dans l’agenda des dirigeants du G8 lors de leur réunion le mois prochain aux Etats Unis. »

« Un moment clé »

Selon Chris Palusky, responsable de la réponse Humanitaire à World Vision : « Nous sommes à un moment clé dans la lutte pour sauver des vies et prévenir la malnutrition avant que la crise n’atteigne son paroxysme. Nous voyons déjà des familles utiliser des mécanismes de survie extrêmes dans plusieurs endroits, comme la consommation de feuilles sauvages. Nous devons agir maintenant pour empêcher les personnes les plus vulnérables de tomber encore plus dans la malnutrition. »

Au Niger, le manque de financement a empêché World Vision d’aider plus de 15 000 enfants souffrant de malnutrition avec un projet nutritionnel visant à sauver des vies, et 22 000 autres personnes ayant un besoin d'eau potable. « C'est une situation désespérante pour tous, car nous savons que notre intervention humanitaire est bénéfique, et nous avons déjà vu la différence positive que cela peut faire quand les fonds sont disponibles », a ajouté Chris Palusky.

En savoir plus

Faire un don pour l'action humanitaire au Sahel 

Vidéo : Caroline Baudot (Oxfam) explique la situation au Sahel

Note d'information : Crise alimentaire dans le Sahel : cinq étapes pour rompre le cycle de la faim en 2012 (avr. 2012)

Rapport : Echapper au cycle de la faim : les chemins de la résilience au Sahel (nov. 2011)

Nous exhortons l'ONU à organiser une conférence des donateurs dès que possible.
Steve Cockburn,
Responsable régional des politiques à Oxfam

Notes aux rédactions

Besoins de financement :

Organisations Personnes ciblées Besoins financiers $US Financements reçus (USD) Manque
ACF 1 million $45,5m $15,4m $30,1m
Oxfam 1,2 million $53m $12m $41m
Save the Children 2,5 millions $81,27m $12,27 $69m
World Vision 1,1 million $60m $12m $48m
Totaux   $239,77m $51,4 $188,1

 

  • Selon le rapport britannique d'évaluation des interventions d'urgence humanitaire, la nutrition est l'une des interventions d'urgence les plus efficaces, au regard des coûts : un programme d'alimentation revient à un peu plus de 158 dollars par enfant sauvé, alors que le coût d'une équipe chirurgicale s'élève à plus de 3 900 dollars par vie sauvée. 42 dollars par famille peut permettre d'empêcher que les enfants se retrouvent en situation de malnutrition. 
  • La malnutrition est responsable d'au moins 35 % de tous les décès d'enfants par an dans la région du Sahel. Les enfants qui souffrent de malnutrition sont 2,5 fois plus susceptibles de mourir que des enfants bien nourris, s'ils ne reçoivent pas de traitement, et cette proportion passe à environ 9 fois pour les cas de malnutrition sévère. 

Documents, vidéos, photos 

  • Oxfam en Mauritanie : video

Contact

Pour de plus amples informations, veuillez contacter :

  • Action Contre la Faim : Patricia Hoorelbeke, représentante régionale pour l’Afrique de l’Ouest, Dakar +221- 33 825 25 42 / Christine Kahmann, Londres +44 (0)7738260500
  • Oxfam : Charles Bambara, Coordinateur régional des médias & communication, Afrique de l'Ouest, Dakar +221- 33 859 3722 & + 221 77 639 41 78 / Ian Bray, Grande-Bretagne, +44 (0)1865 472289 ou +44 (0)7721 461339
  • Save the Children : Katie Seaborne, responsable régionale des communications pour l'Afrique de l’Ouest, Dakar +221 777 405 056 / Andrew Wander, Londres +44 (0)207 012 6841 ou +44 7831 650 409 
  • Vision Mondiale Afrique de l'Ouest : Adel Sarkozi, responsable régionale des communications pour l'Afrique de l’Ouest, Dakar +221 773332403 / Georgina Newman, Londres +44 (0)7557 567753.